Focus : I.N.D et le paysage sonore

Jonathan alias I.N.D nous a accordé une interview la veille de partir pour Berlin et la soirée du label Yaya23 où il a partagé la grande salle avec Vikkei, Yaya et Control Delete. Il développe une ambiance industrielle et mentale dans ses tracks sorties sur P’tit Gris (Toolbox), Peur Bleue, Yaya Records ou tout récemment sur le Hangar 05, sous-label de Obs.Cur. On va parler musique, professionnalisation, underground et production ! Le tout ponctué par les morceaux d’I.N.D : c’est parti !

Bienvenue Djo ! Quel âge as-tu ? D’où viens-tu et où habites-tu ?

J’ai 29 ans, je viens d’Annecy en Rhône-Alpes et j’habite à Paris depuis 15 ans.

Depuis quand le projet I.N.D existe ?

Mmmh, je dirais 2007/2008. Je suis pas hyper sûr.

Si on dit que tu es un artiste hardcore ça te convient ?

Non, pas vraiment. Parce que c’est trop réducteur pour moi : je fais du mental, après peu importe de ce que ça peut se rapprocher : tribe, hardcore, tekno. J’ai une vision précise du hardcore aussi ! (Rire)

C’est à dire le hardcore ?

Pour moi le hardcore a quelque chose de très libre dans sa conception, où on peut structurer un peu comme on veut, avec une recherche constante de puissance, et un côté très industriel et noir. J’envisage depuis peu de temps ma production comme pouvant être possiblement lente.

Tu as appris la musique étant enfant ou tu es autodidacte ?

J’ai commencé par le piano à 6 ans et j’ai suivi des cours pendant douze ans ; j’ai fait beaucoup de percus’ aussi.

Tu avais peut-être d’autres projets avant comme un groupe de musique ?

Oui, j’ai joué dans des groupes avant la tekno : il y a longtemps au clavier dans des groupes de reggae-jazz et même ska ! Ensuite j’ai été gueulard et « chanteur » dans Eggshell, un groupe de death sur Paris.

Quel style de musique tu écoutais ado ?

C’était très éclectique : du death, du grind ou du dub électro (High Tone, Kali Live Dub), du jazz aussi … mais j’ai retrouvé des CD de tekno que j’avais acheté a dix piges ! (Rire) C’était de la rave : Storm, Antiloop, Brainbug.

C’était quoi ton état d’esprit, ton projet au début ? Ce que tu voulais faire, et ce qui a changé entre tes envies des débuts et ce que tu fais maintenant.

Au début, j’avoue que j’étais quand même plus orienté hardcore ! C’était industriel, très noir, viscéral. En fait j’essayais de créer ce qui me manquait dans ce que j’entendais en free : je trouvais qu’il manquait une notion mélodique. J’avais déjà cette idée de voyage mental, de “catharsis sonore” comme je disais beaucoup.

Et comment tu décrirais ton projet musical actuel ?

Je cherche à développer encore plus le côté 3D et cinématographique de la musique mentale, être capable d’aller plus loin de l’idée de “paysage sonore”. Sans compromission.

Comment ça se passe les dates et les sorties vinyls ? Depuis combien de temps ça se bouscule ? Tu as toujours un travail ?

C’est plutôt intense ! Entre les dates qui commencent à apparaître, les collabs qui s’enchaînent et la composition … ça fait 2 ou 3 ans que ça commence à s’accélérer ; depuis le premier vinyl que je dois a Chris de Toolbox, le P’tit Gris 08. Après ça j’ai rencontré Jan du label Yaya23 en allant le rencontrer a Berlin, et on a sorti deux disques. A partir de la ça s’est enchaîné. Toujours avec le soutien de Chris, fort et présent.

Aussi celui de Claire [Narkissos photographe et compagne d’IND] qui a des connaissances et connexions dans le sud : j’ai eu la chance de jouer au Totemystik et sur des free grâce à elle.

Et je serais rien sans les potes des Insoumis qui m’ont laissé la place et m’ont donné confiance (la HP, les NSM, la SA).
Depuis ça se développe par affinités humaines : propositions de dates, de skeuds et de collabs.

A côté de ça, je suis animateur pour les enfants.

Ca fait quoi de recevoir sa première galette ?

C’est fou !! Parce que c’est à la fois complètement surréaliste, et en même temps tellement concret. Et c’est un objet pour lequel des gens se sont bougés pour produire ta musique. A côté, ça veut pas dire que t’es appelé pour jouer partout dès le lendemain. Ce qui est génial, c’est de savoir que ta musique va être joué ailleurs par d’autres gens, et c’est en même temps super mystérieux parce que tu ne sais pas où ni par qui. C’est émouvant.

Quelle part fais-tu entre une certaine standardisation pour le dancefloor et ton espace de liberté dans tes créations ?

Je fais pas vraiment ça. Je suis pas dancefloor de base ! Je sais pas faire. Je pense plus en terme de groove. Pour être tout à fait honnête je me suis posé la question avec le retour de l’acid : est-ce que je m’y met ou pas ? J’ai préféré intégrer ça au reste de mes autres sons.

L’acidcore : un style assez varié pour toi ? tu aimes faire ça ?

Non, enfin j’aime faire ça à ma sauce. Je peux aimer rajouter de l’acid des fois mais si on écoute mes morceaux, l’acidcore c’est pas la base. Pour moi au début c’était du hardcore avec de l’acid, à la fois bâtard et obscure, rare et super sombre : étrange.
Et il y a eu un retour avec le son belge et hollandais, qui est assez fou niveau qualité de production mais qui a fini par s’uniformiser.

Et tu penses quoi des gros labels hollandais ? Trop gros pour toi ou tu envisages de les contacter ?

Aucun problème, je suis déjà en contact avec eux ! Mais je sais que mes sons correspondent pas exactement à leur style. Je resterai dans le mental, avec une pointe d’acid !

Un de tes derniers morceaux « the one who leaves » : celui qui s’en va. Et Drone qui revient a la techno house. Un complot ? Un signe d’autres envies plus lentes ?

(Rire) Je n’y avais pas pensé en ces termes, énorme. J’ai envie d’aller vers plus de lenteur. J’ai été invité à jouer récemment sur une soirée et on m’a demandé de faire de l’acid tekno pure jus ! J’ai refait des parties acid sur des vieux set de tekno 140, et finalement j’ai trouvé ça intéressant. Influencé Minimum Syndicat par exemple, qui sont vraiment originaux dans leur manière de faire l’acid.

Mais j’ai toujours un faible pour le speedcore et la rapidité : ça permet de faire des distorsions temporelles.

Quelle a été ta meilleure collab’ ?

Je dirais avec Hoax23 parce que ça a débouché sur une amitié. Au début Claire m’a poussé à le contacter, puis je lui ai envoyé un bout de morceau, puis il m’a renvoyé ses parties, tout a collé direct.

Et comment tu travailles en collab d’ailleurs ?

A distance principalement. Certains m’envoient des trucs complètement aléatoire et je dois tout trier ! Sinon d’autres sont hyper carrés et m’envoient un morceau super construit et je peux travailler dessus. Quand c’est moi qui envoie quelque chose généralement, c’est une structure de morceau avec quelques pistes, et on se renvoie la balle.

Et en collab directe ?

Quand c’est possible ! Par contre, toutes les collabs faites et sorties sur vinyl étaient avec des gens loin. Y a bien sur les collabs avec mon pote de son Rataxes, qui est aux machines,et ensemble c’est totale improvisation à chaque fois.

Sur Produc’Sounds, on s’intéresse aux techniques de production : Alors quelques conseils ? Une méthode de travail ?

J’ai développé une méthode de travail personnelle et c’est pour pouvoir en varier le plus souvent possible. Ce qui en ressort : je m’occupe du kick en dernier.

Point important : LE MIXAGE ! C’est indispensable, sinon les fréquences se bouffent et le son en devient illisible. Je le fais souvent à l’oreille pour cut des fréquences de mes tracks : avec un filtre au Q (Ndlr ; « résonance ») très élevé pour avoir un bosse très fine, je balaye le spectre, je repère les plages où ça hurle, et les gomme en baissant le gain.
Autre point : respecter la tonalité de son kick. S’il n’est pas accordé avec les autres sons, on va avoir une impression de “copié-collé”.

J’ai écouté “In the Baalbek ruins” : super morceau ambiante, c’était pour l’audiovisuel non ?

J’adore ce côté artistique mais que j’ai encore du mal à développer, enfin j’y consacre pas assez de temps. Oui c’est une commande pour LCV une boite de production qui montait un documentaire sur le Liban, et mon morceau sera utilisé pour un passage sur les ruines de Baalbek.

Ton blaze veut dire “industrial neuro-décadence” : ça te fait quoi de vire dans notre monde ? Des combats ?

On vit dans un monde ultra-capitaliste et ça va demander de plus en plus d’efforts d’être en phase avec ses propres convictions. Du coup je souhaite garder à l’esprit une forme de résistance : qu’elle soit mentale, artistique, combattante, symbolique. Le moindre geste peut devenir un acte politique : poser une teuf par exemple c’est de la résistance, aider son prochain aussi, et penser librement… ne serait-ce que penser.

Qu’est-ce qu’on peut te souhaiter dans le futur ? Quel est le plan ?

Je souhaite continuer de rencontrer des personnes purement créatives qui arrivent à abolir les barrières entre pros et underground : des personnes qui restent fidèles à leur valeurs: ainsi je voudrais en profiter pour remercier Chris de Toolbox qui m’a toujours soutenu, tout comme Jan du label Yaya23. Ce sont tous les deux des personnes très actives à qui je dois beaucoup.

Enfin j’espère aider à ma mesure à développer le mouvement par ma musique notamment. Et que les skeuds et dates continuent !


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